EBO-SURSY Project

À la recherche du réservoir du virus Ebola : le nouveau portail de données scientifiques recense les échantillons prélevés sur les chauves-souris en Afrique de l’Ouest et centrale

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Les données recueillies dans le cadre du Projet EBO-SURSY, un consortium mené par l’OIE, pourraient permettre d’identifier le réservoir du virus Ebola chez les chauves-souris et aider à mettre en place des mécanismes de préparation aux crises épidémies ainsi que des systèmes de surveillance.

Le réservoir naturel du virus Ebola (VEB) est inconnu, même si les chercheurs pensent que les chauves-souris jouent un rôle essentiel dans le cycle du virus et sa transmission à l’humain. Résolu à améliorer les connaissances sur l’écologie et l’épidémiologie du VEB, l’un des  membres du consortium du Projet EBO-SURSY(1), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), a créé un portail de données en ligne qui suit les prélèvements d’échantillons sur les chauve-souris, et recense les formations indispensables au renforcement des capacités prodiguées aux vétérinaires et autres professionnels impliqués dans la surveillance épidémiologique dans les pays participant au projet. Les données recueillies pourraient permettre de découvrir quelles espèces de chauves-souris font partie du réservoir d’VEB, à quel moment il y a un risque de transmission du virus à d’autres espèces animales et aux humains, et quelles organisations seraient en mesure de répondre à une telle urgence sanitaire en Afrique de l’Ouest et centrale.

Ces mesures améliorent les systèmes de surveillance existants afin de mieux prédire l’apparition de futurs foyers de maladie et protéger la santé animale et humaine.

Figure 1 : Une roussette (Eidolon helvum) est capturée par l’équipe du CIRAD afin de prélever des échantillons et apposer un collier satellite. Ce dernier permettra aux chercheurs de suivre les déplacements de la chauve-souris en Afrique de l’Ouest et centrale. Image: ©CIRAD/ J.Cappelle

De nombreuses chauves-souris migrent. Certaines d’entre elles peuvent voyager plus de 1600 kilomètres pour trouver de la nourriture et un partenaire pour s’accoupler. Elles s’adaptent facilement aux changements saisonniers et résistent bien à la pénurie alimentaire, ce qui leur  a permis de survivre sur six continents. Infatigables promoteurs de la biodiversité, elles contribuent activement à la pollinisation, la lutte contre les nuisibles et la dispersion des graines, toutes des actions vitales pour préserver un écosystème sain.

Toutefois, en raison de leurs migrations lointaines, il est fort probable qu’elles contribuent aussi à la propagation, sur de vastes territoires, d’agents pathogènes potentiellement zoonotiques tels que le virus de la rage, le VEB et certains coronavirus.Bien que les chauves-souris soient souvent asymptomatiques lorsqu’elles sont porteuses de ces virus, ceux-ci peuvent être responsables de maladies graves, lorsque qu’ils sont transmis aux autres populations animales et humaines. Tant que nous ne saurons pas quelles espèces de chauve-souris hébergent du VEB, il sera impossible de déterminer avec précision dans quelles conditions les chauves-souris transmettent le VEB à l’homme et si cette transmission est directe ou passe par un intermédiaire. La surveillance et la recherche sur la dynamique de la propagation virale sont donc d’autant plus importantes pour la détection précoce et le contrôle de futurs foyers.

Afin de mieux comprendre comment les chauves-souris interagissent au niveau environnemental, les partenaires du Projet EBO-SURSY, à savoir le CIRAD, l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et l’Institut Pasteur, partagent un portail commun de données qui recense les lieux où des prélèvements ont été effectués sur des humains, des animaux domestiques et des chauves-souris en vue de dépister le VEB, d’autres virus de fièvres hémorragiques et les coronavirusLes échantillons prélevés sur les humains et les animaux domestiques permettront de mieux comprendre la dynamique de la transmission entre espèces et le risque de transmission de la faune sauvage aux humains et aux animaux domestiques. De plus, puisque l’on soupçonne une communauté de différentes espèces de roussettes de maintenir un réservoir du VEB, les partenaires fournissent des informations détaillées sur leurs échantillonnages, notamment une estimation visuelle du type d’espèce, l’emplacement où elle a été trouvée, et de nombreux échantillons biologiques (sang, fèces, salive). Toutes ces données sont recueillies et téléchargées en amont vers le portail scientifique en ligne afin d’encourager le partage d’informations entre les partenaires du Projet EBO-SURSY, ainsi qu’avec d’autres projets qui luttent également contre l’émergence d’un autre foyer de la maladie à virus Ebola (MVE).

Une chauve-souris a savouré la douceur des mangues de Kankan en Guinée avant d’atterrir près du bureau régional Afrique de l’OIE à Bamako, 600km plus loin, et de s’installer dans une plantation de mangues juste à proximité.

Figure 2 : L’équipe du CIRAD attache un collier de géolocalisation à une roussette anesthésiée, tout en prenant des précautions pour ne pas être en contact direct avec la chauve-souris ou ses fluides corporels Image: ©CIRAD/ J.Cappelle

La capture des chauves-souris et le prélèvement d’échantillons sur ces-dernières n’est pas une tâche facile. Toutefois, elle peut offrir une excellente occasion de mieux comprendre le rôle des hôtes suspectés dans la circulation du VEB en utilisant les colliers de géolocalisation pour les suivre. Les chercheurs du CIRAD en République de Guinée ont consacré trois nuits pour capturer cinq chauves-souris mâles suffisamment lourdes pour pouvoir supporter le poids d’un collier de géolocalisation. Il s’agit plus précisément de cinq chauves-souris de l’espèce des roussettes paillées africaines (Eidolon helvum) vivant en milieu urbain, espèce pour laquelle on a pu prouver qu’elle héberge des anticorps contre le VEB.

Une fois les chauves-souris capturées, celles-ci ont été anesthésiées afin de ne pas provoquer de stress inutile, leurs données biométriques ont été enregistrées, puis les colliers apposés. Les chauves-souris ont ensuite été mises dans des cages pour se rétablir, puis libérées une fois réveillées afin de s’envoler librement dans la nuit.

Les données préliminaires recueillies auprès de trois des chauves-souris équipées de colliers sont montré que ces dernières étaient de grandes voyageuses.

À l’aide des données satellites émises par les colliers, le CIRAD a produit une carte de géolocalisation qui permet de suivre la migration des chauve-souris équipées de colliers, montrant ainsi leur mobilité et le potentiel de propagation d’agents pathogènes zoonotiques. Bien que trois des chauve-souris aient migré vers le Mali ou ses frontières, leurs routes individuelles, quant à elles, ont fortement divergé, révélant l’inclination naturelle des chauve-souris pour les voyages et la quête de fruits délicieux. Une chauve-souris a passé un bref séjour en Sierra Leone avant de voyager vers le nord de la Guinée. Une autre a quitté le site de prélèvement dans le sud de la Guinée pour visiter le sud du Mali, puis s’est vite envolée vers le Liberia et les Hauts-Bassins du Burkina Faso, avant de revenir vers le Mali. Une autre encore a savouré la douceur des mangues de Kankan en Guinée avant d’atterrir près du bureau régional Afrique  de l’OIE à Bamako, 600km plus loin, et s’installer dans une plantation de mangues juste à proximité.

Figure 3 : Cette carte de géolocalisation présente partiellement les détails des vols de trois chauves-souris qui ont été marquées par le CIRAD en mars 2020 Image: ©CIRAD/ J.Cappelle

Il semblerait donc que la période de migration ait officiellement commencé et que les roussettes circulent en Afrique de l’Ouest et centrale. Ces trois chauves-souris ont déjà traversé des frontières neufs fois depuis leur capture par l’équipe de recherche dans le sud de la Guinée et ne semblent pas s’arrêter en si bon chemin. Leurs mouvements non-linéaires et leur capacité à transmettre des agents pathogènes sur un vaste territoire soulignent encore la nécessité de renforcer les capacités de surveillance épidémiologique régionale. Par conséquent, pendant que les chauves-souris continueront à chercher des fruits, le Projet EBO-SURSY poursuivra ses recherches sur le réservoir du VEB et renforcera la surveillance du virus pour améliorer sa détection précoce dans l’éventualité d’un prochain foyer de MVE en Afrique de l’Ouest et centrale.

Veuillez consulter notre carte présentant les données sur le renforcement des capacités afin d’en apprendre davantage sur les formations EBO-SURSY, ou consulter la carte des données scientifiques pour suivre les activités d’échantillonnage du projet ! Si vous souhaitez en savoir plus sur le projet, rendez-vous sur notre site Web.

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(1)Avec le soutien financier de l’Union européenne, le Projet EBO-SURSY, mené par l’OIE en coordination avec le CIRAD, l’IRD et l’Institut Pasteur, vise à renforcer la capacité des Services vétérinaires nationaux dans dix pays d’Afrique de l’Ouest et centrale afin de surveiller toute apparition de la maladie à virus Ebola et de quatre autres fièvres hémorragiques virales, à savoir la maladie à virus de Marburg, la fièvre de la vallée du Rift, la fièvre hémorragique de Crimée-Congo et la fièvre de Lassa, et agir en conséquence.  Ces cinq maladies sont des zoonoses ou des maladies capables de se propager des animaux aux hommes.

EN SAVOIR PLUS: visitez le site web du projet EBO-SURSY

Carte: ©CIRAD/ J.Cappelle

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