La PPCB est une maladie insidieuse pulmonaire des bovins due à Mycoplasma mycoides sous-espèce mycoides variante petite colonie (MmmSC). La recrudescence de l’incidence de la PPCB dans les pays africains est un constat des éleveurs et surtout des services vétérinaires mais malheureusement non proprement documentée. La réalité sur le terrain démontre que dans la plupart des pays en Afrique de l’Ouest, la maladie est endémique et cela depuis plusieurs décennies. En effet, la situation des foyers enregistrés au cours de ces dernières années dans les pays de la sous-région montre qu’à l’exception de la Guinée Bissau, de la Gambie et du Sénégal, cette maladie demeure endémique ou sporadique dans la plupart de ces pays. L’évolution récente de la situation épidémiologique se traduit par la réapparition de la maladie en Gambie (septembre 2012) et au Sénégal (octobre 2012) pour la première fois depuis 1971 et 1992 respectivement.. Ces pays avaient arrêté la vaccination depuis plusieurs années et le Sénégal était même en passe de se déclarer provisoirement indemne de la maladie dans l’optique de son éradication, selon les principes généraux élaborés par l’OIE.
Il faut reconnaitre que le Sénégal aussi bien que la Gambie, bien que n’ayant pas connu la PPCB depuis des années, se situent en zone d’enzootie de la maladie. En effet, tous leurs pays limitrophes déclarent les foyers à l’OIE. Dans un tel environnement, il n’est pas étonnant que ces pays soient réinfectés car, pour diverses raisons, il existe des difficultés réelles de maintenir les surveillances aux frontières avec pratique de la quarantaine. Parmi ces difficultés, il faut citer, entre autres le caractère extensif des élevages en général, la porosité des frontières, l’appartenance des populations de part et d’autres des frontières. Cette situation prouve à suffisance qu’en Afrique, à l’état actuel, le contrôle des TADs et particulièrement la PPCB passe nécessairement par l’élaboration des programmes régionaux ou sous régionaux à l’image du programme d’éradication de la peste bovine. Cependant, comme les compagnes à grande échelle, à l’image des campagnes de vaccination contre la peste bovine, sont de plus en plus difficiles à réaliser par suite de la récession économique mondiale, des campagnes nationales organisées conjointement entre pays voisins doivent être fortement encouragées.
Le spectre de voir la maladie reparaître dans d’autres pays africains ayant le statut indemne ou s’étendre sur des territoires encore épargnés jusqu’ici, devient de plus en plus d’actualité. Le contexte de l’élevage dans beaucoup de pays africains et en particulier dans la sous-région ouest africaine est presque semblable et les Etats sont le plus souvent voisins donc se partagent les mêmes troupeaux car les frontières terrestres sont assez perméables et les éleveurs se déplacent au gré des pâturages sans une notion des limites territoriales.
Ce contexte associé aux insuffisances constatées dans les ressources humaines (vétérinaires et éleveurs), dans la rapidité de détection et déclaration des foyers, les insuffisances dans les programmes de vaccination non soutenues par les Etats ainsi que la faiblesse de l’enregistrement des données relatives au cas de PPCB sont des facteurs qui tendent de manière incontestable à favoriser l’émergence ou la résurgence de la maladie dans les pays Ouest africains.
Il est bon de souligner que les réalités socio-culturelles et économiques ne permettent pas d’appliquer les mesures sanitaires de contrainte (restriction du mouvement du bétail, abattage et compensation consécutive) en Afrique. On comprend, alors, que la vaccination soit pour le moment le seul moyen efficace de lutte contre la PPCB en Afrique. Cependant, les vaccins contre la PPCB actuellement utilisés en Afrique, basés sur la souche T1 atténuée, présentent une efficacité modérée. Le développement d’un vaccin plus efficace pour le contrôle de la maladie en Afrique est donc un réel besoin. A cet effet, plusieurs initiatives sont en cours, entre autres le développement des vaccins adjuvés qui ont déjà fait l’objet d’évaluation dans le cadre du projet VACNADA (Vaccins pour le Contrôle des Maladies Animales Négligées en Afrique) de l’Union Africaine et dont les résultats sont très promoteurs.
Malgré les obstacles cités, l’espoir est néanmoins permis car le fait que la PPCB ait été éradiquée en Australie dans les années 60, en Tanzanie pendant la période coloniale et, plus récemment au Botswana (1997) sont des indications que la maladie peut en effet être contrôlée et même éradiquée en Afrique. Aussi, dans un passé récent, dans de nombreux pays africains (par exemple, la Côte d’Ivoire, la République de Guinée, le Sénégal) au cours du programme PARC (Pan African Rinderpest Campaign) avec l’utilisation du vaccin bivalent (peste bovine + PPCB), la prévalence la PPCB a été considérablement réduite. Mieux, en Namibie la vaccination répétée avec T1/44 a conduit à une réduction significative de la prévalence de la maladie qui a permis au zonage du pays entre le nord (zone contaminée) et le sud (zone indemne). Des initiatives similaires sont de nos jours en cours dans certains pays de la sous-région dont le Mali et le Niger dans le cadre de leur programme quinquennal de lutte contre les maladies animales prioritaires y compris la PPCB. L’objectif est de doter leurs services vétérinaires en ressources permettant de vacciner chaque année 80 % de l’effectif du cheptel bovin afin que les pays se donnent les chances de contrôler la maladie. Toutefois, il serait souhaitable que ces campagnes nationales de vaccinations soient organisées conjointement entre pays voisins.Au niveau sous régional, l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine), dans son programme santé animale, la lutte contre la PPCB figure au bon rang.
En perspectives, Il est nécessaire de recueillir des données probantes pour éclairer les décideurs et les bailleurs de fonds pour soutenir les investissements dans la prévention et le contrôle de la PPCB comme un bien public. A cet effet, il importe d’améliorer les connaissances épidémiologiques de la PPCB et ses impacts socioéconomiques. Les études de prévalence et la surveillance épidémiologique de la maladie sur le terrain devrait être entreprises afin d’aboutir à un système sous-régional ou régional efficace d’information zoosanitaire et d’alerte précoce et de réaction rapide de la maladie, Pour ce faire, la mise en place de réseaux d’épidemiosurveillance actifs et performants qui doivent inciter les éleveurs à déclarer les cas et une surveillance anatomopathologique dans les abattoirs doit être systématique pour mieux déterminer les zones d’épizooties ou les foyers récurrents. Cependant, ces activités ne peuvent connaître succès qu’en améliorant les capacités des laboratoires vétérinaires dans le diagnostic de la PPCB. La recherche de nouveaux vaccins plus performants pouvant induire une longue ou permanente protection immunitaire reste toujours d’actualité et doit par conséquent être poursuivie. Aussi, il importe désormais à côté des méthodes classiques de prévention et de lutte, de penser à une nouvelle manière de manager l’élevage africain. Une concertation conjointe entre autorités vétérinaires et éleveurs doit permettre l’émergence de perspectives de gestion nouvelle du cheptel. L’aménagement des élevages sur la base de concepts de développement durable doit prévaloir en tenant compte de la démographie galopante qui réduit significativement les aires de pâturages et favorise la concentration des cheptels sur les maigres ressources disponibles. Ces concertations doivent se tenir à la fois dans chaque pays mais également entre acteurs en charge de l’élevage des pays de la zone Ouest africaine