Windhoek, Namibie

« L’émancipation des femmes, c’est l’émancipation du monde » Un entretien avec la Dre Albertina Shilongo (Namibie)

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« L’émancipation des femmes, c’est l’émancipation du monde » 

 

Entretien avec la Dre Albertina ‘Tina’  Shilongo,
Directrice des Services Vétérinaires et Déléguée OMSA de la Namibie

Septembre 2023. Publié à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2024

Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans les Services Vétérinaires et du secteur en Namibie ? 

En 1998, en tant que Cheffe de bureau, j’étais la seule femme sur le terrain, et la seule vétérinaire. Les hommes étaient des techniciens vétérinaires et ils n’étaient pas toujours heureux d’avoir une femme superviseure. 

À l’époque, quand les agriculteurs venaient à mon bureau, ils cherchaient un homme. Ils ne s’attendaient pas à trouver une femme vétérinaire. Dans les zones rurales, les agriculteurs gardent le bétail dans des zones d’élevage loin de leur ferme. Culturellement, les femmes n’ont pas le droit d’y accéder. Les fermiers me disaient que les femmes ne devaient pas aller dans les postes d’élevage et que je n’avais le droit d’y aller que parce que j’étais vétérinaire.  

Ces croyances traditionnelles sont en train de changer. Aujourd’hui, il y a plus de femmes vétérinaires que d’hommes : environ 60 % des vétérinaires de la Direction des services vétérinaires (DVS) sont des femmes. Je suis la cheffe de le Direction, la Vétérinaire en chef et la Déléguée de l’OMSA pour la Namibie. L’une des six (6) divisions de la Direction est actuellement dirigée par une femme, c’est-à-dire la vétérinaire en chef adjoint. 

La Namibie s’efforce de résoudre les problèmes liés à l’égalité entre les sexes et de donner aux femmes les moyens d’être sur un pied d’égalité avec les hommes. Le Gouvernement a également recours à la discrimination positive pour donner aux femmes un meilleur accès aux postes au sein de l’État. 

Autonomiser les femmes  

Si vous émancipez une femme, vous émancipez le monde. Ce sont les femmes qui s’occupent des familles. 

Parfois, les gens ont besoin d’être aidés afin de considérer les femmes comme actives. Par exemple,  les agents communautaires de santé animale (ACSA) sont très actifs dans certaines régions de la Namibie, ils sont les « yeux et les oreilles » des services vétérinaires. Pourtant, dans la plupart des cas, les communautés proposent des hommes comme agents communautaires. Nous pouvons encourager davantage de femmes à participer afin que, lorsqu’elles seront formées, elles puissent s’occuper de leurs propres animaux et de ceux de leurs voisins. 

Nous devons éduquer les enfants dès leur plus jeune âge, leur inculquer la conviction qu’ils sont tous égaux. 

L’accent doit être mis sur l’égalité des sexes. Le fait que la Directrice générale de l’OMSA soit une femme est une source d’inspiration pour de nombreux pays Membres. 

Nous devons éduquer les enfants dès leur plus jeune âge, leur inculquer la conviction qu'ils sont tous égaux.

Dre Albertina Shilongo, Directrice des Services Vétérinaires et Déléguée OMSA de la Namibie

Pouvez-vous penser à un ou deux événements ou opportunités clés qui ont défini votre trajectoire de carrière ? 

Ce qui m’a motivé à progresser dans ma carrière, c’est que lorsque j’ai commencé en tant que vétérinaire, c’était peu de temps après l’indépendance de la Namibie en avril 1998. Il n’y avait que 4 femmes vétérinaires. Les hommes considéraient cela comme une profession d’hommes. Mais j’ai vu d’autres femmes d’autres domaines, comme l’extension et l’ingénierie qui faisaient de l’agronomie, qui progressaient, qui devenaient des gestionnaires et des directrices adjointes. J’ai pensé que je pouvais aussi travailler dur pour aider la Direction des services vétérinaires à grandir et pour montrer aux filles qu’une femme vétérinaire peut progresser à un niveau supérieur.  

J’ai été nommée Déléguée en 2009. Mon exposition à la Session générale annuelle de l’OMSA (l’Assemblée mondiale qui rassemble tous les représentants des pays membres) m’a motivé à travailler dur pour devenir Directrice. Je suis tombée amoureuse de ce métier. J’ai rencontré beaucoup d’expertes et de déléguées. J’adore mon métier.  

Dr Albertina Shilongo at the 23rd Conference of the Regional Commission for Africa. Hammamet, Tunisia (2019) Picture (c) P. Bastiaensen (oie) 2019

Quelle est votre approche au travail d’équipe ? 

En tant que superviseure, vous faites beaucoup de travail d’équipe. Je me suis efforcée de réunir tous les vétérinaires, ainsi que tout mon personnel en général, afin que nous travaillions ensemble en équipe et que nous atteignions les objectifs de la Direction, et que nous fournissions de meilleurs services aux communautés rurales et aux commerçants.  

L’esprit d’équipe est la clé du succès, à condition de savoir ce que vous voulez accomplir ; c’est-à-dire, de fournir un service à la communauté d’exploitants et aux commerçants de Namibie. 

De la part de la haute direction du ministère, ainsi que des exploitants agricoles, j’ai reçu des éloges, en tant que vétérinaire d’État, de la part d’éleveurs qui ont été très satisfaits, et mes collègues apprécient mon travail dans la gestion de la Direction.  

La Dre Albertina Shilongo à la 23ème Conférence de la Commission Régionale pour l’Afrique. Hammamet, Tunisie (2019) Photo (c) P. Bastiaensen (oie) 2019

Pouvez-vous nous en dire plus sur les éléments techniques et stratégiques ?  

Fournir des services de qualité aux exploitants et aux commerçants nous permet de vendre les produits d‘élevage namibiens sur les marchés mondiaux, notamment dans l’Union Européenne, aux États-Unis, en Chine et dans d’autres pays africains. Notre profession a contribué aux moyens de subsistance des gens, et les agriculteurs peuvent générer des revenus en exportant vers d’autres marchés à travers le monde. 

L’une des choses dont je suis également fière, c’est que nous avons réussi à obtenir et à maintenir les statuts officiels de l’OMSA d’absence de fièvre aphteuse, de péripneumonie contagieuse bovine (PPCB) et peste des petits ruminants (PPP), ainsi que la reconnaissance du statut de ‘risque négligeable’ de l’encéphalomyélite spongiforme bovine (ESB). Nous avons également obtenu la validation de la part de l’OMSA pour nos programmes officiels de lutte contre des maladies telles que la rage, la fièvre aphteuse et la PPCB (cette dernière pour la zone qui n’est pas encore officiellement déclarée indemne). Notre objectif est d’éradiquer ces maladies des régions du nord du pays, afin que nous disposions d’un seul indice d’état de santé à échanger. 

Avez-vous des recommandations pour l’OMSA sur le genre ? 

La Namibie a reçu le soutien de l’OMSA pour deux missions PVS, toutes deux il y a plus de dix ans. Dans les deux cas, le chef d’équipe était un homme. Il serait bon pour l’OMSA d’avoir plus de femmes cheffes d’équipe dans le système PVS.  

Lors de l’évaluation des services vétérinaires nationaux, l’OMSA devrait examiner le nombre de femmes et d’hommes vétérinaires : cela devrait être inclu dans les lacunes et les recommandations observées pour aider à améliorer l’équilibre entre les sexes, et pour former et renforcer les capacités au sein des services vétérinaires nationaux ; ainsi que d’être formées pour devenir des gestionnaires. 

En ce qui concerne les bureaux des Commissions régionales, lorsqu’ils nomment de nouveaux membres pour ces commissions, ils devraient tenir en compte l’équilibre entre les sexes. Je suis heureuse que le Bureau de la Commission régionale pour l’Afrique compte une femme vice-présidente (moi-même) et une autre femme qui siège au Secrétariat. 

Enfin, j’aimerais que l’OMSA contribue à la formation sur l’égalité des femmes et à la promotion de l’équilibre entre les sexes dans les professions vétérinaires, y compris la formation des femmes dans les services vétérinaires en matière de gestion et de leadership. 

 

 

Ci-dessous : Dre Albertina Shilongo (à droite) et Dre Aubierge Moussavou (à gauche), Délégués respectivement de la Namibie et du Gabon, lors de la 80ème Session générale à Paris (2012). Photo (c) P. Bastiaensen (oie) 2012

Propos recueillis par Anne-Françoise Thierry et Sonia Fèvre 

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