La résistance aux antimicrobiens (RAM) continue de représenter l’une des menaces les plus graves pour la santé mondiale, la sécurité alimentaire et les objectifs de développement durable. Mais face à ce défi mondial, l’Afrique apparaît comme un modèle de progrès. Selon le dernier rapport annuel sur l’utilisation des antimicrobiens, publié par l’Organisation mondiale de la santé animale (OMSA), l’Afrique a enregistré une réduction de 20 % de l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux entre 2020 et 2022, l’une des baisses les plus importantes au monde.
Cette remarquable réussite souligne l’engagement croissant de l’Afrique en faveur d’une utilisation responsable des antimicrobiens dans le secteur vétérinaire et renforce la dynamique de la région dans la lutte contre la RAM grâce à une action coordonnée dans le cadre de l’initiative « One Health » ou Une Seule Santé.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer la baisse de 20 % de l’utilisation des antimicrobiens en Afrique ?
- Efforts en matière d’éducation et de sensibilisation;
- Amélioration de la transparence sur l’usage d’antimicrobiens (ANIMUSE);
- Amélioration de l’utilisation prudente des antimicrobiens et mise en œuvre des normes internationales;
- Renforcement de la coordination avec les bureaux régionaux et sous-régionaux de l’OMSA.
Ce que nous révèlent les données
Le rapport de l’OMSA, basé sur les données recueillies via la plateforme ANIMUSE, fournit un aperçu mondial de l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux terrestres et aquatiques. Les données du 9e rapport montrent que :
- La consommation mondiale d’antimicrobiens a diminué, passant de 107,9 mg/kg en 2021 à 97 mg/kg en 2022.
- L’Afrique a enregistré une réduction de 20 %, dépassant les Amériques (-4 %) et l’Asie-Pacifique (-2 %), et talonnant l’Europe (-23 %).
- Seuls 8 % des antimicrobiens utilisés dans le monde chez les animaux sont considérés comme des antimicrobiens d’importance critique et de priorité absolue pour la santé humaine. L’Afrique reste un faible utilisateur de ces produits.
- La plupart des antimicrobiens utilisés comme promoteurs de croissance sont utilisés en Amérique et en Asie. L’Afrique ne contribue pas de manière significative à cette pratique, ce qui reflète une meilleure adhésion aux politiques d’utilisation responsable des antimicrobiens.
Pourquoi est-ce important pour la région africaine ?
Ces progrès ne se résument pas à de simples chiffres. La réduction de l’utilisation des antimicrobiens se traduit par des systèmes de santé animale plus solides, une meilleure surveillance de l’utilisation des antimicrobiens et une production alimentaire plus durable. Elle contribue également à préserver l’efficacité des médicaments vitaux pour les animaux et les humains.
La RAM cause déjà plus d’un million de décès humains chaque année, et son augmentation dans les secteurs de la production animale pourrait entraîner des pertes massives, et des crises en matière de sécurité alimentaire, menaçant les moyens de subsistance de millions de personnes à travers le continent. En réduisant l’utilisation des antimicrobiens, l’Afrique agit rapidement pour prévenir une crise plus grave.
Comment l’OMSA Afrique soutient la région
Au niveau de l’OMSA – Afrique, ces progrès confirment la validité de nos partenariats avec nos pays et territoires membres (nos ‘Membres’), mais ils mettent également en évidence les possibilités d’aller plus loin. Voici comment nous comptons tirer parti de cette dynamique :
- Renforcer la communication des données et la transparence
Nous continuerons d’aider nos Membres à améliorer leurs systèmes nationaux de surveillance de l’utilisation des antimicrobiens, afin de permettre à davantage de pays de soumettre chaque année des données quantitatives à travers ANIMUSE. Les Membres sont encouragés à publier des rapports nationaux sur l’utilisation des antimicrobiens et à les partager avec leurs collègues de différents secteurs travaillant sur la résistance aux antimicrobiens. Les Membres sont également invités à utiliser leurs propres données nationales pour élaborer des notes d’orientation qui éclaireront les décisions politiques en vue d’une meilleure réglementation et d’une meilleure utilisation des antimicrobiens.
- Promouvoir des politiques d’utilisation responsable
Nos chargés de programme techniques dans nos quatre bureaux fourniront un soutien technique pour l’élaboration de politiques nationales visant à restreindre l’utilisation des promoteurs de croissance, en particulier l’utilisation des antimicrobiens critiques à la santé humaine, afin de préserver leur efficacité.
- Renforcer la biosécurité et la prévention
Nous soutenons l’adoption de meilleures pratiques d’élevage, de vaccination et de prévention des infections qui réduisent les besoins en antimicrobiens.
- Promotion du concept « One Health » à l’échelle continentale
En collaboration avec l’Africa-CDC, l’UA-BIRA et nos partenaires de la Quadripartite, nous harmonisons nos efforts dans le cadre du concept « One Health » ou Une Seule Santé à l’échelle continentale, en plaidant en faveur d’une collaboration et d’investissements intersectoriels.
- Renforcer les capacités par la formation et l’engagement
Allant des ateliers sur les politiques vétérinaires à la formation des agents communautaires de santé animale, nous développons une culture de sensibilisation, de responsabilité et d’action à l’échelle du continent.
- Utilisation des données nationales communiquées sur ANIMUSE pour convaincre les décideurs d’intégrer les interventions en matière de RAM dans les stratégies nationales correspondantes.
- Intégration de l’ANIMUSE comme indicateur clé pour surveiller l’utilisation des antimicrobiens dans les plans nationaux de lutte contre la RAM. Cela nous permettra de respecter nos engagements envers les Nations Unies. L’engagement n° 69 consiste à s’efforcer de réduire considérablement, d’ici 2030, la quantité d’antimicrobiens utilisés à l’échelle mondiale dans le système agroalimentaire par rapport aux niveaux actuels.
Et maintenant ?
La réduction de 20 % enregistrée en Afrique montre que le changement est non seulement possible, mais qu’il est déjà en cours. Cependant, comme le montre le rapport, il reste encore beaucoup à faire pour éliminer les pratiques irresponsables, renforcer la surveillance et garantir une mise en œuvre cohérente des politiques dans toute la région.
Nous encourageons toutes les parties prenantes (gouvernements, vétérinaires, éleveurs, société civile et le secteur académique) à rester engagées et à utiliser ces données pour prendre des décisions fondées sur des preuves qui favorisent une utilisation responsable et prudente des antimicrobiens afin de protéger la santé animale et publique.
Les domaines à améliorer sont :
- L’utilisation des antimicrobiens chez les animaux aquatiques destinés à l’alimentation.
- La résistance aux antimicrobiens et l’utilisation des antimicrobiens chez les animaux non destinés à l’alimentation (animaux de compagnie, chevaux,…).