Chien allongé dans le sable dans une rue de Malongane, Mozambique. Des études ont montré que la plupart des chiens en liberté observés dans les villages africains ont, le plus souvent, un propriétaire et que les populations de chiens errants n’excèdent pas 10% de la population canine globale [5], [7], [10] Photo (c) C. Goulet (Colibri) 2021.
La rage est une maladie virale responsable d’une encéphalite à l’issue fatale chez l’homme. Malgré l’existence d’une prophylaxie efficace, le nombre de décès humains reste alarmant (59 000 morts par an), avec l’Afrique et l’Asie représentant les continents les plus touchés (95% des cas) [1].
Dans la plupart des cas, le chien domestique est le principal réservoir, même si, dans certains contextes, la faune sauvage est parfois suspectée [2]–[4]. Cependant, sachant que 99% des décès humains dus à la rage sont liés à des morsures de chiens, le contrôle de la rage canine en Afrique devrait permettre de réduire drastiquement le nombre de cas [1] et potentiellement conduire à l’élimination complète des décès dus à la rage d’ici 2030.
Le ciblage des chiens domestiques par des campagnes de vaccination de masse est la méthode de choix, malgré le coût qu’elles représentent. Cependant, le renouvellement rapide et constant des populations canines africaines reste un grand défi pour atteindre la couverture vaccinale de 70% recommandée par l’OMS (ex. dans une étude en Zambie, 29% des chiens < 1 an avec 57,7% < 3 mois; l’espérance de vie = 3,15 ans [5]). Ainsi, dans certains cas, la vaccination doit être accompagnée de programme de gestion des populations canines (ex. stérilisation) [6]. En général, la responsabilité de ces deux activités repose sur les Services Vétérinaires, et bénéficient financièrement au secteur médical en diminuant fortement la demande en prophylaxie de post-exposition [7]. Malheureusement, les Services Vétérinaires manquent souvent cruellement de financements et de ressources humaines pour mettre en place ces activités. Une analyse globale de 165 missions PVS réalisées sur les 12 dernières années en Afrique confirme cette observation (communication personnelle, 2019).
Néanmoins, des exemples de réussite dans le renforcement des programmes de surveillance à l’échelle de pays et de région existent [8], [9]. Malheureusement, l’absence de données fiables sur les cas de rage humaine et animale reste un des grands défis à relever pour sensibiliser et encourager les institutions gouvernementales à investir dans des programmes coordonnés et ciblés. Ces programmes Une Seule Santé impliqueraient à la fois des institutions de santé animale et humaine (programme éducatif/campagne de sensibilisation) pour créer des programmes conjoints et efficaces de surveillance.
Ce manque de données sur la rage a été relié aux mauvais diagnostics [7], [9], [11], [12] et à une sous-déclaration de la maladie, les deux étant principalement dus à l’absence de confirmation en laboratoire[7], [11]. En effet, le test de référence pour le diagnostic de la rage recommandé par L’OIE et l’OMS, est le test d’immunofluorescence (FAT). Celui-ci nécessite l’utilisation d’un matériel couteux qui n’est pas toujours disponible dans les laboratoires ordinaires, et particulièrement dans les pays en voie de développement [13]. Ainsi, l’utilisation de nouveaux tests décentralisés, moins chers, plus rapides et plus faciles à utiliser en laboratoire, tel que le dRIT, ouvre de nouvelles perspectives pour le renforcement des systèmes de surveillance de la rage pour les pays à plus faible revenu [14], [15]. Les technologies mobiles, qui sont des outils bons marché et faciles à utiliser, ont également fait l’objet de test pour améliorer les systèmes de santé et de surveillance de la rage [8], [14].
Même si la couverture n’est pas parfaite dans tous les pays africains, le réseau grandit et s’améliore rapidement. Un système de surveillance de la rage reposant sur la technologie mobile a notamment été testé avec succès dans le sud de la Tanzanie, montrant des améliorations dans la rapidité d’obtention des données, dans leur intégralité, dans leur rentabilité et leur qualité. [8].
La rage est la maladie par excellence représentant le mieux le concept Une Seule Santé. En effet, les cas humains sont directement liés aux animaux et une approche conjointe est nécessaire pour parvenir à son élimination. Compte-tenu du fardeau sanitaire et économique que fait peser la rage sur les pays africains (estimé à 1,28 milliards de USD [1]), investir dans des actions coordonnées et ciblées et dans le renforcement de systèmes de surveillance intégrés pour collecter des données fiables sur la rage humaine et animale apportera un grand soulagement aux pays.
Le développement récent de nouveaux outils et de nouvelles technologies couplés à des initiatives réussies ouvrent de nouvelles perspectives et rendent l’objectif d’éliminer la rage humaine en Afrique d’ici 2030 plus accessible.
Chien de propriétaire se promenant librement dans les rues de Ponta de Ouro, Mozambique. Photo (c) C. Goulet (Colibri) 2021.
Néanmoins, les particularités du continent africain doivent être prises en compte dans la conception de programmes à l’échelle des régions (ex. les populations migrantes transnationales, la gestion pratique et culturelle du chien domestique, les zones de conservation transfrontalières). Un programme holistique de surveillance de la rage devrait être intégralement incorporé dans les systèmes de surveillance et supporté financièrement par les états et par les donneurs internationaux.
REFERENCES:
[1] K. Hampson et al., “Estimating the Global Burden of Endemic Canine Rabies,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 9, no. 4, pp. 1–20, 2015, doi: 10.1371/journal.pntd.0003709.
[2] E. H. Hikufe et al., “Ecology and epidemiology of rabies in humans, domestic animals and wildlife in Namibia, 2011-2017,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 13, no. 4, pp. 2011–2017, 2019, doi: 10.1371/journal.pntd.0007355.
[3] M. Grover et al., “Spatiotemporal epidemiology of rabies at an interface between domestic dogs and wildlife in South Africa,” Sci. Rep., no. July, pp. 1–9, 2018, doi: 10.1038/s41598-018-29045-x.
[4] K. N. Koeppel and P. N. Thompson, “Patterns of rabies cases in South Africa between 1993 and 2019 , including the role of wildlife,” no. March, pp. 1–13, 2021, doi: 10.1111/tbed.14080.
[5] C. Kaneko et al., “Domestic dog demographics and estimates of canine vaccination coverage in a rural area of Zambia for the elimination of rabies,” pp. 1–22, 2021, doi: 10.1371/journal.pntd.0009222.
[6] L. H. Taylor et al., “The role of dog population management in rabies elimination-A review of current approaches and future opportunities,” Front. Vet. Sci., vol. 4, no. JUL, 2017, doi: 10.3389/fvets.2017.00109.
[7] T. Lembo et al., “The feasibility of canine rabies elimination in Africa: Dispelling doubts with data,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 4, no. 2, 2010, doi: 10.1371/journal.pntd.0000626.
[8] Z. Mtema et al., “Mobile Phones As Surveillance Tools: Implementing and Evaluating a Large-Scale Intersectoral Surveillance System for Rabies in Tanzania,” PLoS Med., vol. 13, no. 4, pp. 1–12, 2016, doi: 10.1371/journal.pmed.1002002.
[9] A. Broban, M. C. Tejiokem, I. Tiembré, S. Druelles, and M. L’Azou, “Bolstering human rabies surveillance in Africa is crucial to eliminating canine-mediated rabies,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 12, no. 9, pp. 1–7, 2018, doi: 10.1371/journal.pntd.0006367.
[10] T. Jibat, H. Hogeveen, and M. C. M. Mourits, “Review on Dog Rabies Vaccination Coverage in Africa: A Question of Dog Accessibility or Cost Recovery?,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 9, no. 2, pp. 1–13, 2015, doi: 10.1371/journal.pntd.0003447.
[11] L. H. Nel, “Discrepancies in data reporting for rabies, Africa,” Emerg. Infect. Dis., vol. 19, no. 4, pp. 529–533, 2013, doi: 10.3201/eid1904.120185.
[12] M. Mallewa et al., “Rabies encephalitis in malaria-endemic area, Malawi, Africa,” Emerg. Infect. Dis., vol. 13, no. 1, pp. 136–139, 2007, doi: 10.3201/eid1301.060810.
[13] S. Dürr et al., “Rabies diagnosis for developing countries,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 2, no. 3, 2008, doi: 10.1371/journal.pntd.0000206.
[14] A. Coetzer, J. Coertse, M. J. Makalo, M. Molomo, W. Markotter, and L. H. Nel, “Epidemiology of rabies in Lesotho: The importance of routine surveillance and virus characterization,” Trop. Med. Infect. Dis., vol. 2, no. 3, pp. 1–14, 2017, doi: 10.3390/tropicalmed2030030.
[15] E. U. Ukamaka et al., “Economic and feasibility comparison of the drit and dfa for decentralized rabies diagnosis in resource-limited settings: The use of nigerian dog meat markets as a case study,” PLoS Negl. Trop. Dis., vol. 14, no. 2, pp. 1–18, 2020, doi: 10.1371/journal.pntd.0008088.